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POURQUOI AUCUN CANDIDAT DE L' OPPOSITION NE PEUT GAGNER LES ELECTIONS PRESIDENTIELLES AU CAMEROUN ?



Londres, le 8/03/2025

Introduction

Depuis l’indépendance du Cameroun en 1960, aucun candidat de l’opposition n’a réussi à accéder au pouvoir par les urnes. Malgré des tentatives électorales répétées et la montée de figures politiques alternatives, le régime en place, sous Paul Biya depuis 1982, conserve une mainmise totale sur le processus électoral.

Cette analyse, ancrée dans une perspective coafrwologique — une grille de lecture qui examine les dynamiques politiques africaines sous l’angle du néocolonialisme et de la souveraineté populaire — explore les obstacles systémiques qui empêchent toute alternance au Cameroun. Nous proposerons également des recommandations stratégiques pour une reconfiguration des forces de changement.

I. Un État façonné pour le maintien du pouvoir

L’impossibilité pour l’opposition de gagner une élection présidentielle au Cameroun s’explique d’abord par la structure même de l’État, conçu pour perpétuer le régime en place.

1. Une architecture institutionnelle verrouillée

Le Cameroun est un État ultra-présidentialiste, où le chef de l’État contrôle l’ensemble des institutions : administration, justice, forces de défense et même la commission électorale (Elections Cameroon - ELECAM).

Les lois électorales sont taillées sur mesure pour favoriser le pouvoir en place :

Pas de scrutin à deux tours, empêchant la coalition de l’opposition.

Déséquilibre dans l'accès aux médias et aux financements.

Difficultés d’inscription et de vote pour les électeurs jugés hostiles au régime (notamment en zone anglophone et dans la diaspora).

2. Un appareil répressif omniprésent

L’armée, la police et les services de renseignement sont mobilisés pour museler toute contestation.

La répression des mouvements d’opposition (arrestations, interdictions de manifestations) empêche l’émergence d’un véritable rapport de force politique.

L’instrumentalisation de la justice permet d’éliminer ou de neutraliser des figures de l’opposition à travers des inculpations arbitraires.

II. Une opposition fragmentée et manipulée

Même en l’absence d’un système verrouillé, l’opposition camerounaise souffre de faiblesses structurelles qui l’empêchent de constituer une alternative crédible.

1. La division des forces de l’opposition

En 2018, Maurice Kamto (MRC), Cabral Libii (PCRN) et Joshua Osih (SDF) se sont présentés séparément, diluant ainsi les votes face à Biya.

L’absence de coalition crédible joue en faveur du régime, qui exploite ces divisions pour affaiblir les adversaires.

2. L’infiltration et la manipulation par le pouvoir

Certains partis dits "d’opposition" sont en réalité des satellites du régime (opposition alimentaire), servant à légitimer des élections jouées d’avance.

Des alliances secrètes entre certains opposants et le pouvoir affaiblissent la crédibilité d’une alternative réelle.

III. Un peuple entre résignation et contestation limitée

1. La peur et la démobilisation populaire

Après des décennies de répression, une partie du peuple camerounais considère que les élections ne changent rien et préfère s’abstenir.

L’endoctrinement et la propagande du régime (médias d’État, contrôle de la narration historique) maintiennent une illusion de stabilité.

2. La montée de la contestation hors du cadre électoral

La diaspora, notamment à travers des mouvements comme la Brigade Anti-Sardinards (BAS), adopte des stratégies de contestation directe.

Des activistes prônent de plus en plus une rupture avec le cadre électoral pour des formes d’action plus radicales.

IV. Recommandations de l’IEMAC sous une perspective coafrwologique

Face à cette impasse, la coafrwologie propose une approche stratégique qui dépasse la simple participation aux élections et s’appuie sur la réappropriation du pouvoir par le peuple.

1. Construire un Front Uni pour la Rupture (FUR)

L’opposition doit surmonter ses divisions et bâtir un front unique, avec une stratégie coordonnée, allant au-delà des ambitions individuelles.

Un leadership collectif et décentralisé peut éviter les dérives autoritaires au sein de l’opposition.

2. Délégitimer totalement le cadre électoral

La participation aux élections sous les règles du régime ne fait que le légitimer.

Il est temps d’envisager d’autres formes de mobilisation : boycott massif, désobéissance civile, actions internationales ciblées.

3. Renforcer les connexions entre la diaspora et l’opposition interne

La diaspora doit jouer un rôle plus actif dans la structuration d’un mouvement de libération.

L’appui aux populations locales (financier, médiatique, logistique) peut aider à amplifier la résistance sur le terrain.

4. Développer un narratif alternatif puissant

Il est crucial de déconstruire le mythe de l’éternelle stabilité du régime et de proposer un projet crédible et mobilisateur.

L’utilisation des médias indépendants, des réseaux sociaux et des plateformes internationales doit être optimisée pour toucher les masses.

5. Envisager un changement extra-électoral

L’histoire montre que dans de nombreux pays africains, les transitions réelles ne se sont pas faites par les urnes, mais par la pression populaire, voire par des soulèvements.

Un changement profond au Cameroun nécessitera peut-être une rupture plus radicale avec le système actuel.

Conclusion : Vers une nouvelle approche de la libération du Cameroun

L’impossibilité de gagner une élection au Cameroun pour l’opposition ne réside pas uniquement dans les fraudes ou la répression, mais dans la nature même du système en place, conçu pour l’éternisation du pouvoir. La coafrwologie nous invite à penser la lutte autrement : au-delà du cadre électoral, vers une approche plus globale de souveraineté populaire.

Le changement ne viendra pas d’une élection, mais d’un rapport de force nouveau, construit par un peuple conscient et organisé. L’enjeu n’est pas seulement de remplacer Biya, mais de refonder le Cameroun sur des bases réellement indépendantes et démocratiques.

IEMAC

Institut des Etudes du Monde Africain Contemporain.

 
 
 

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