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L'HERITAGE SILENCIEUX DE PAUL BIYA: ENTRE PANAFRICANISME DISCRET , CENTRALISATION INSTITUTIONNELLE ET CRISE EPISTEMOLOGIQUE CAMEROUNAISE.

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L’héritage silencieux de Paul Biya : entre panafricanisme discret, centralisation institutionnelle et crise épistémologique camerounaise


Mpékè-Ntonga Métila Me Nyodi Alphonse MpekeFondateur de la CoafrwologieDirecteur de l’IEMAC-ICAWS-Institut des Études du Monde Africain Contemporain (Ce 24/09/2025, Enniscorthy)

À l’approche de l’élection présidentielle, la figure de Paul Biya domine le Cameroun. Après plus de quarante ans au pouvoir, son style – silence, discrétion et centralisation extrême – laisse un héritage paradoxal. D’un côté, certains gestes diplomatiques laissent entrevoir une tentative discrète de desserrer l’étau français et de préparer un virage panafricaniste. De l’autre, ce silence a favorisé la corruption, le tribalisme et l’inertie institutionnelle. À cela s’ajoute une crise longue de l’épistémologie camerounaise, où diplômes et prestige ont remplacé la pensée critique. La Coafrwologie met en lumière ces défis vibratoires et épistémiques de la transition intergénérationnelle.

L’énigme du silence présidentiel

Depuis plus de quatre décennies, Paul Biya incarne un style de gouvernance singulier en Afrique. Souvent accusé d’immobilisme ou d’absence, il est aussi perçu comme un stratège du temps long et du secret.

Dans les traditions africaines, le chef n’était pas toujours celui qui parlait beaucoup : il incarnait la maîtrise du signe et du silence. Relu sous cet angle, le « Biyaïsme » peut apparaître comme une stratégie de protection – maintenir une façade de continuité pour éviter les représailles extérieures, tout en préparant souterrainement un basculement.

Les gestes panafricanistes implicites

Au cours des dix dernières années, certains choix stratégiques du président Biya laissent entrevoir un désarrimage progressif de la France. L’ouverture vers la Chine, la Russie, la Turquie ou encore l’Inde traduit une volonté de diversification diplomatique et économique (Bayart, 2009).

Ces gestes, feutrés mais significatifs, rappellent l’avertissement de Kwame Nkrumah (1965) sur les dangers du néocolonialisme. Ils pourraient être lus comme une forme de diplomatie silencieuse, visant à préparer l’avenir sans déclencher de rupture brutale aux conséquences imprévisibles.

 

Les revers de la centralisation et du silence

Mais cette stratégie a aussi des effets pervers. La gouvernance centralisée et silencieuse a contribué à :

  • Concentrer le pouvoir presque exclusivement à la présidence, paralysant les institutions intermédiaires.

  • Retarder l’application des lois, laissant s’installer un climat d’impunité.

  • Favoriser la scientifisation de la corruption et du tribalisme, où ces pratiques ne sont plus de simples dérives mais deviennent des systèmes de fonctionnement ancrés dans la vie civile et politique.

Ce qui pouvait être perçu comme patience ou prudence a ainsi généré un désordre civique profond, affaiblissant la confiance des citoyens dans l’État.

La crise longue de l’épistémologie camerounaise

À cette équation politique complexe s’ajoute un problème profond : la crise de l’épistémologie camerounaise. La Coafrwologie souligne que depuis plusieurs décennies, l’univers académique et intellectuel du pays s’est enlisé dans la quête de diplômes et de renommées individuelles, souvent déconnectées des besoins réels de la société (Mpékè-Ntonga, 2025).

Cette académisation de la distraction – où la valeur se mesure au nombre de titres plutôt qu’à la pertinence des idées – a renforcé le fossé entre élites intellectuelles et masses populaires. Elle empêche la formation d’une pensée nationale critique et souveraine, capable d’accompagner la jeunesse dans l’interprétation des signes implicites du pouvoir et dans l’élaboration de nouveaux paradigmes panafricains.

Comme l’a souligné Eboussi Boulaga (1997) dans La crise du Muntu, l’Afrique postcoloniale souffre d’une fracture épistémique où les élites reproduisent les cadres coloniaux au lieu de les transformer. Le Cameroun illustre cette dérive : une production intellectuelle brillante en surface, mais souvent stérile dans ses effets sociaux et politiques.

C’est pourquoi la Coafrwologie insiste sur la nécessité de rétablir une épistémologie enracinée, vibratoire et communautaire, capable de reconnecter savoir, pouvoir et ancestralité. Sans cette refondation intellectuelle, la transition intergénérationnelle risque de rester prisonnière d’un académisme de façade.

Une transition implicite : lecture Coafrwologique

La Coafrwologie – science panafricaine de la restauration vibratoire et de la souveraineté épistémique (Mpékè-Ntonga, 2007) – invite à lire le « Biyaïsme » comme une transition implicite.

Il ne s’agirait pas seulement d’un passage de pouvoir, mais d’une passation de connaissances symboliques. Le silence présidentiel devient un langage vibratoire, une pédagogie cachée destinée à ceux qui sauront la décoder.

Le problème est que la majorité des citoyens, enfermés dans les cadres coloniaux de lecture (Ngugi wa Thiong’o, 1986), ne perçoivent pas ces signes. L’écart entre l’implicite du pouvoir et la conscience populaire nourrit un malentendu permanent.

Les anciens et le piège du repositionnement

Dans cet entre-deux, les aînés politiques s’activent à rebattre les cartes pour se garantir une place dans l’après-Biya. Beaucoup cherchent à sécuriser leurs privilèges et à « assurer leurs derniers jours », quitte à perpétuer les logiques de corruption et de division.

Ce jeu de repositionnement détourne l’attention des véritables enjeux – souveraineté, justice sociale, renaissance africaine – vers des luttes de survie individuelle.

La jeunesse face au brouillard

La jeunesse camerounaise, nombreuse et pleine de vitalité, se retrouve au centre de la scène politique. Mais comme le dit l’adage : « bien malin qui a compris le chemin à suivre ». Les jeunes peinent encore à décoder les signes implicites de l’héritage biyaïste et à formuler un projet alternatif clair.

Leur mission est double :

  • décrypter les symboles silencieux et implicites du pouvoir sortant,

  • les transformer en un projet politique explicite fondé sur l’Ubuntu-Kama (éthique communautaire) et la Coafrwologie (cadre panafricain de souveraineté cognitive et vibratoire).

Comme l’écrivait Frantz Fanon (1961), chaque génération doit découvrir sa mission et soit l’accomplir, soit la trahir.

Le Cameroun dans la renaissance africaine

L’avenir du Cameroun dépasse ses frontières. Comme l’a affirmé Cheikh Anta Diop (1981), la survie des peuples africains dépend de leur capacité à réinventer leurs propres paradigmes.

Pays pivot de l’Afrique centrale, le Cameroun joue un rôle stratégique dans la renaissance africaine globale. L’héritage de Paul Biya sera sans doute double : dernier gardien d’un ordre postcolonial, mais aussi passeur discret vers une ère nouvelle.

La vraie question est désormais de savoir si la jeunesse saura transformer cette transition implicite en projet souverain, débarrassé de la scientifisation du tribalisme, de la corruption et de l’académisme creux, pour hisser le Cameroun dans le concert d’une Afrique réinventée.

Références

  • Bayart, J.-F. (2009). L’État en Afrique. La politique du ventre. Paris : Fayard.

  • Boulaga, F. E. (1997). La crise du Muntu. Paris : Présence Africaine.

  • Diop, C. A. (1981). Civilisation ou barbarie. Paris : Présence Africaine.

  • Fanon, F. (1961). Les damnés de la terre. Paris : Maspero.

  • Mbembe, A. (2013). Sortir de la grande nuit. Paris : La Découverte.

  • Mpeke-Ntonga, M. M. N. (2007). COAFRWOLOGIE : Science panafricaine pour la renaissance globale. Yaoundé : IEMAC.

  • Ngugi wa Thiong’o (1986). Décoloniser l’esprit. Londres : James Currey.

  • Nkrumah, K. (1965). Le néo-colonialisme : dernier stade de l’impérialisme. Londres : Thomas Nelson.


 
 
 

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